C’est Sarah Geringën, l’héroïne de votre précédent roman Le Cri, qui est chargée de mener l’enquête. Elle semble désormais avoir trouvé une stabilité à la fois professionnelle et personnelle. Mais cette nouvelle affaire va largement la mettre à mal…
Complot débute une petite année après les événements du Cri. Christopher a franchi le pas et a déménagé en Norvège pour rejoindre Sarah et s’y installer avec Simon, son fils adoptif. Ils ont acheté une belle maison sur une île aux abords d’Oslo et décidé d’avoir un bébé. Sarah a un peu levé le pied sur son travail d’inspectrice et voit enfin sa vie s’enraciner dans un projet de famille heureux. Mais sa hiérarchie pense qu’elle est la seule à avoir les compétences pour diriger l’enquête hors du commun sur le meurtre de la Première ministre, et cette épreuve va profondément tester la force de l’amour qui l’unit à Christopher…
L’enquête sur la mort de la Première ministre va propulser Sarah au cœur d’un dangereux jeu de piste à travers le monde. De la Norvège au Vatican en passant par la mythique Byblos, les énigmes se succèdent mais une problématique très actuelle va vite émerger : la place des femmes dans notre monde. Comment vous est venue cette idée d’écrire un thriller sur cette thématique ?
D’abord, il faut savoir que Complot a été pensé et écrit avant ce que j’appellerais la révolution de l’affaire Weinstein. Il se trouve que ma femme et moi avons deux filles très curieuses et qui nous confrontent sans cesse aux aberrations de la vie d’adulte. Quand je me suis vu en train d’expliquer à ma plus grande de 6 ans que pendant des siècles les femmes n’avaient pas le droit d’étudier comme les hommes, pas le droit de voter, pas le droit de s’exprimer librement… et qu’aujourd’hui, c’était encore les hommes qui détenaient presque tous les pouvoirs, elle m’a demandé tout simplement : pourquoi ? Il m’a fallu quatre ans de recherches et beaucoup de réflexions sur moi-même. Et la réponse est Complot.
Quel message souhaitiez-vous délivrer ? Et pourquoi ?
Que malgré toutes les avancées dans le sens d’une égalité de droits entre hommes et femmes, nous restons conditionnés par des siècles d’une propagande inconsciente qui assimile les femmes au Mal, à la faiblesse et à ce qu’il faut dominer. Tout notre inconscient collectif a été façonné par des hommes dans ce sens et, aujourd’hui, on entretient cette misogynie sans même nous en rendre compte : raconter à ses enfants (comme je l’ai fait) les mythes grecs, c’est entre autres entretenir la culture du viol : Zeus et tous les dieux masculins du panthéon gréco-romain volent, séquestrent et agressent les femmes. Europe qui a donné son nom à notre continent a été enlevée par Zeus qui s’était déguisé en joli taureau blanc pour la tromper… Dès que l’on raconte une histoire de sorcière aussi gentille soit-elle, on propage l’idée que le Mal est avant tout chez les femmes. Alors que celles que l’on a appelées sorcières n’avaient pour seul défaut que de maîtriser la connaissance des plantes, des maladies et du corps humain que les hommes leur jalousaient. Je passe sur la faute d’Ève qui est probablement la manipulation sociale la plus tenace. Le but de Complot est donc notamment de décoder tous ces symboles de notre inconscient collectif et de dire : regardez à quel point vous êtes manipulés sans même vous en rendre compte.
Ce complot dont vous parlez et qui donne son titre à votre thriller, comment l’avez-vous imaginé ? Comme vous l’aviez fait pour Le Cri, vous êtes-vous, cette fois encore, appuyé sur des éléments scientifiques concrets ?
Ma passion est la recherche des origines. En l’occurrence ici : l’origine de la domination masculine sur les femmes. Et toute quête originelle se doit d’être la plus rigoureuse et documentée possible. J’ai lu de nombreux ouvrages sur l’origine des mythes, des religions (Histoire de la misogynie, Avant les Dieux, la Mère universelle, Naissance du monothéisme…), sur les toutes dernières connaissances anthropologiques de la vie préhistorique (Naissance des divinités, naissance de l’agriculture, Les Femmes de la Préhistoire, Les Sentiers de la Guerre…), compulsé beaucoup d’études et interrogé des scientifiques sur les différences supposées entre les hommes et les femmes (au niveau physique, neurologique…) et étudié les grands textes féministes (Le Deuxième Sexe, Fausse Route…). Et comme toujours, j’ai aussi lu et regardé ceux qui contredisaient le point de vue de Complot. Des propos d’hommes en colère contre le trop grand pouvoir des femmes ou même de femmes en accusant d’autres de ne pas savoir rester à leur place.
La dynamique de votre récit est implacable. Comment travaillez-vous ? Votre expérience de scénariste est-elle un atout ?
Je ne commence jamais un roman sans être parfaitement satisfait de la fin. Pour moi, c’est la fondation sur laquelle repose la force de l’histoire. C’est aussi ce que le lecteur emmènera en dernier avec lui et il faut que cette sensation lui tienne la main encore longtemps. Ensuite, comme je dis souvent, l’écriture est pour moi une partie d’échec contre moi-même. À chaque mot que je pose, je me mets ensuite dans la peau du lecteur pour vérifier si ça me plaît. Et enfin, chaque chapitre est construit lui-même comme une histoire avec une intro, un développement et une fin en suspens.
Le Cri a été un gros succès de librairie. À la fin de Complot, on commence tout juste à entrevoir les démons qui pourraient hanter Sarah, votre héroïne. Avez-vous déjà une idée de ce que vous comptez écrire ensuite ?
Sarah est une femme qui a encore beaucoup à nous apprendre et même à apprendre sur elle. D’où lui viennent ces angoisses et ce sentiment de culpabilité permanent alors qu’elle n’a aucun souvenir d’avoir à ce point mal agi dans sa vie pour subir une telle pression ? Connaît-elle si bien ses origines ? Comme pour nous tous, il y a forcément des secrets de famille qu’elle ignore…